L’Alliance canadienne de l’autisme* demande au gouvernement fédéral d’accélérer la mise en place d’une Stratégie nationale sur l’autisme à la lumière des changements radicaux apportés aux services de soutien liés à l’autisme en Colombie-Britannique, changements qui auront des répercussions importantes pour les personnes sur le spectre de l’autisme de la province.
Le 27 octobre 2021, le ministère de l’Enfance et du Développement de la famille de la Colombie-Britannique (MEDF) a annoncé la mise en place d’un nouveau système de services pour les enfants autistes ou ayant une déficience intellectuelle, dans le cadre duquel des centres de ressources familiales (Family Connections Hubs) à guichet unique seront mis en œuvre dans toute la province. Ce système sera entièrement mis en œuvre d’ici mars 2025, date à laquelle les enfants et les jeunes sur le spectre de l’autisme ne pourront plus accéder à un financement individualisé. Les familles et les soignants qui n’ont pas les moyens de continuer à financer les prestataires de services de leur poche n’auront d’autre choix que de recevoir des services et des soutiens par l’intermédiaire de ces centres à guichet unique. En outre, la transition vers les Family Connections Hubs peut également entraîner la rupture des relations que les familles et les jeunes entretiennent actuellement avec leurs professionnels de confiance, augmenter le risque d’être placés sur de longues listes d’attente et devoir faire face à la confusion et au fardeau de s’y retrouver dans un système nouveau et complexe.
À l’heure actuelle, le ministère de l’Enfance et du Développement de la famille de la Colombie-Britannique offre un modèle de financement direct, dans le cadre duquel le financement pour l’autisme est alloué aux familles et aux soignants d’enfants de moins de 18 ans qui ont reçu un diagnostic d’autisme et qui résident en Colombie-Britannique. Jusqu’à 22 000 $ par an sont alloués pour chaque enfant de moins de 6 ans, et jusqu’à 6000 $ par an pour chaque enfant de 6 à 18 ans. Ce financement aide les familles à payer les soutiens professionnels qui favorisent le développement des compétences de leur enfant, y compris la communication, les compétences socioémotionnelles, scolaires et de vie.
Bien que ce modèle ait des limites pour répondre aux besoins des enfants sur le spectre de l’autisme et de leurs familles, l’approche adoptée par le MEDF en Colombie-Britannique est profondément préoccupante pour l’Alliance canadienne de l’autisme et ses membres pour les raisons suivantes :
- Le gouvernement de la Colombie-Britannique ne s’est pas engagé dans la conception d’une politique inclusive : à notre connaissance, le gouvernement de la Colombie-Britannique n’a pas consulté les intervenants, y compris les organisations provinciales ou nationales de l’autisme, les chercheurs en autisme et, surtout, les autoreprésentants qui militent pour leur autonomie et les familles d’enfants et de jeunes sur le spectre qui reçoivent des fonds en vertu du cadre pour les enfants et les jeunes ayant des besoins de soutien (Children and Youth with Support Needs, ou CYSN).
- Le gouvernement de la Colombie-Britannique manque de transparence en ce qui concerne les données probantes utilisées pour informer la mise en œuvre des Family Connections Hubs : le gouvernement de la Colombie-Britannique n’a pas partagé de justification fondée sur des données probantes pour appuyer la mise en œuvre de ces « centres de ressources familiales à guichet unique » par rapport à d’autres modèles de prestation de services et de soutien. Il n’y a aucune indication des preuves et des données utilisées pour soutenir la rentabilité et l’efficacité de ce modèle par rapport à un autre pour fournir des services essentiels aux enfants et aux familles.
- Le gouvernement de la Colombie-Britannique a présenté très peu d’informations sur la mise en œuvre et la logistique opérationnelle de ces centres, laissant les familles de la communauté de l’autisme extrêmement inquiètes quant à l’avenir de leurs enfants et de leurs jeunes. Il n’existe pas de données de modélisation économique ou de la main-d’œuvre pour assurer à la communauté que la Colombie-Britannique a la capacité de fournir des services pour mettre en œuvre efficacement un modèle de prestation de services de ce type sans augmenter les temps d’attente pour recevoir un soutien et des services essentiels.
- L’annonce de la politique du gouvernement de la Colombie-Britannique a entraîné une division entre la communauté entourant les jeunes sur le spectre de l’autisme et la communauté plus large des personnes en situation de handicap : historiquement, le gouvernement de la Colombie-Britannique n’a pas fourni un soutien adéquat aux enfants et aux jeunes ayant des besoins spéciaux, si bien que l’annonce concernant la mise en œuvre des Family Connections Hubs a encore élargi le fossé au sein des communautés de personnes en situation de handicap. Ainsi, les familles ont l’impression de se disputer des ressources limitées dans un système fragmenté. Tous les enfants en situation de handicap méritent d’être soutenus pour pouvoir atteindre leur plein potentiel. Il est donc urgent d’adopter une approche qui permette de diffuser et d’étendre des modèles de prestation rentables et fondés sur des données probantes qui répondent de manière adéquate aux divers besoins des enfants en situation de handicap.
Malheureusement, les changements radicaux de la politique régionale en matière d’autisme sont fréquents au Canada. Le plus souvent, les preuves à l’appui de ces grandes décisions politiques font défaut ou ne sont pas rendues publiques pour les intervenants. On peut donc supposer que ces décisions sont fondées sur une idéologie politique plutôt que sur des preuves. Le fait que les provinces et les territoires passent d’un modèle de service distinct à un autre entraîne des incohérences majeures et laisse les personnes les plus touchées par ces changements sans accès à ces soutiens essentiels.
À l’heure actuelle, l’accès aux soutiens pour les personnes sur le spectre de l’autisme — enfants, adolescents et adultes — varie considérablement d’un bout à l’autre du pays. Les programmes ne sont pas seulement offerts par des ministères et des départements distincts, mais on y accède également par des exigences distinctes. Cela renforce un modèle de prestation de services différents et fragmentés à travers le Canada.
Une Stratégie nationale sur l’autisme peut aider à combler les lacunes et à relever les défis au niveau provincial.
Le gouvernement fédéral a lancé le processus d’élaboration d’une Stratégie nationale sur l’autisme (SNA) en 2019 pour aider à combler les lacunes évoquées ci-dessus. À ce jour, le progrès le plus substantiel réalisé en vue de l’élaboration de la Stratégie a été une consultation sur la science de l’autisme par l’Académie canadienne des sciences de la santé, qui devrait être rendue publique au début de 2022.
L’Alliance canadienne de l’autisme demande au gouvernement fédéral d’agir en temps opportun et de s’engager à respecter un délai raisonnable pour élaborer et mettre en œuvre une SNA.
Hier, le Sénat du Canada a procédé à la deuxième lecture du projet de loi S-203, la Loi concernant un cadre fédéral relatif aux troubles du spectre de l’autisme. Le projet de loi fait écho aux préoccupations exprimées par l’Alliance canadienne de l’autisme et ses membres, et demande au gouvernement fédéral de donner suite au rapport du Sénat publié en 2007, intitulé Payer maintenant ou payer plus tard.
Nous exhortons le gouvernement fédéral à mettre en œuvre un SNA qui alignera les services et les soutiens dans tout le pays. Cela est nécessaire pour alléger le fardeau des familles lorsque des changements radicaux de politique sont appliqués au niveau régional, comme la mise en œuvre de ces carrefours de ressources en Colombie-Britannique. Une Stratégie nationale sur l’autisme solide devrait :
- Adopter une conception inclusive de la politique qui priorise les perspectives des personnes sur le spectre de l’autisme vivant au Canada ;
- Définir des normes minimales de soutien (programmes et services) et de professionnels partout au Canada pour s’assurer que les personnes sur le spectre de l’autisme au Canada reçoivent un accès équitable aux soutiens, quel que soit leur code postal ;
- Fournir des conseils aux provinces et aux territoires pour mettre en œuvre des modèles de soutien fondés sur des données probantes et pouvant être offerts dans tout le pays ;
- Coordonner la collaboration nationale et les mécanismes de partage des connaissances entre les provinces et les territoires, où les leçons et les preuves collectives peuvent être partagées pour éclairer les décisions stratégiques ;
- Affecter des ressources à la collecte de données longitudinales qui feront la lumière sur l’efficacité des programmes ainsi que sur les lacunes existantes dans les services offerts aux personnes sur le spectre de l’autisme et à leurs familles partout au Canada. Cela permettra ensuite d’appuyer les cycles d’apprentissage itératifs dans l’élaboration des politiques sur l’autisme afin d’informer et d’étendre les programmes réussis dans d’autres juridictions.
*L’Alliance canadienne de l’autisme était auparavant connue sous le nom d’Alliance canadienne des troubles du spectre autisme (ACTSA). Pour plus d’information sur notre changement de nome, cliquez ici.