La stratégie nationale sur l’autisme vise à transformer l’inclusion en garantissant l’équité et le soutien aux personnes autistes du Canada.
Au moins un million de personnes au Canada sont autistes, ce qui correspond à peu près à la population de Winnipeg ou du Nouveau-Brunswick. Pourtant, malgré ce nombre important, les personnes autistes au Canada se heurtent à des obstacles considérables qui les empêchent de participer pleinement à la vie de la société : discrimination, stigmatisation, moins bons résultats en matière de santé et d’éducation et taux d’emploi alarmant par rapport à ceux de leurs homologues non autistes. Cette dure réalité est une violation de leurs droits humains et exige une action urgente.
En 2023, après des décennies de plaidoyer, le projet de loi S-203, la Loi concernant un cadre fédéral relatif au trouble du spectre de l’autisme, a été adopté à l’unanimité par le Sénat et la Chambre des communes, rendant obligatoire l’élaboration de la toute première stratégie nationale sur l’autisme, alignant le Canada sur les leaders mondiaux tels que le Royaume-Uni et l’Australie. Cette étape législative marquait l’engagement du Canada à mettre en place des systèmes de soutien complets et inclusifs pour les personnes autistes et leurs familles tout au long de leur vie. Il s’agit d’un moment décisif qui, s’il est suivi d’effets, aura un impact profond sur les personnes autistes dans l’ensemble du pays. En outre, cette stratégie pourrait constituer une étape cruciale dans le respect des obligations du Canada au titre de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées.
Pour que la stratégie nationale en faveur des personnes autistes soit couronnée de succès, il faut une approche audacieuse qui réponde aux besoins essentiels des personnes autistes, avec des objectifs mesurables, des engagements pangouvernementaux et un financement suffisant. Cet objectif ne sera pas atteint si l’on s’en tient à la pratique, vieille de plusieurs décennies, du remaniement des efforts existants et des activités de consultation qui ne servent qu’à jeter de la poudre aux yeux et à cocher des cases superficielles.
Le succès de cette stratégie exige une volonté politique et de l’authenticité – démontrée par des mesures et des repères clairs qui permettent de suivre les progrès vers un changement réel. La réussite de la stratégie implique une collaboration efficace entre les différents niveaux de gouvernement (compte tenu de la complexité des questions relevant de la compétence des provinces et du gouvernement fédéral), guidée par des plans pratiques et des cadres interministériels. Il est tout aussi essentiel de définir des rôles clairs pour les acteurs gouvernementaux et communautaires, en veillant à donner la priorité aux idées et aux expériences précieuses des personnes autistes, en écoutant également leurs familles, leurs aidant·e·s et les personnes qui les soutiennent, afin de façonner au mieux les politiques et les programmes à venir.
Ces changements incluent des avancées significatives dans des domaines clés tels que : l’accès équitable aux services et soutiens essentiels, des opportunités d’emploi significatives avec des possibilités d’avancement, des options de logement inclusives, et des systèmes d’éducation, de santé, sociaux et de justice adaptés aux personnes neurodivergentes. En s’attaquant à ces questions fondamentales, le Canada peut s’acheminer vers un avenir où les personnes autistes recevront des soins et un soutien appropriés en temps opportun, ce qui leur permettra de s’épanouir et de contribuer de manière significative à la société.
À l’heure actuelle, il existe d’importantes disparités dans la disponibilité et la qualité des services destinés aux personnes autistes dans l’ensemble du Canada. Par exemple, les enfants peuvent être confrontés à des attentes décourageantes allant de 12 mois à six ans pour un diagnostic, ce qui retarde l’accès à des aides essentielles dans les domaines de l’éducation et de la santé. Le diagnostic ne peut pas être limité à un groupe d’âge spécifique – l’autisme dure toute la vie, et il n’existe actuellement aucune voie claire permettant aux adultes d’obtenir un diagnostic dans le cadre de notre système de santé public, ce qui pousse de nombreuses personnes à payer jusqu’à 5 000 dollars pour obtenir une évaluation privée – si tant est qu’elle soit disponible. Cette situation ne fait pas qu’exacerber les tensions financières, elle constitue également une violation des principes de l’engagement de notre pays en faveur des soins de santé publics.
Les personnes autistes et leurs familles le méritent. Elles méritent une stratégie nationale sur l’autisme qui traduise les promesses du programme électoral en des améliorations susceptibles de changer leur vie. Tout autre résultat diminuerait la résilience et le potentiel de cette communauté.
Cette nouvelle législation ne profite pas seulement au nombre croissant de personnes autistes au Canada, mais elle renforce également la société canadienne dans son ensemble. En créant des environnements inclusifs et en éliminant les obstacles à l’accès aux services et aux opportunités, nous favorisons une nation plus équitable et plus compatissante. Cette stratégie doit reconnaître que la diversité enrichit nos communautés et améliore notre compréhension et notre empathie collectives.
Nous appelons le gouvernement à relever ce défi. Nous demandons au gouvernement de relever ce défi et de tracer courageusement une voie qui donne la priorité à la justice, à l’équité et à la dignité de toutes les personnes au Canada. Une action audacieuse et un engagement inébranlable sont essentiels à la réalisation d’une société où chaque personne peut s’épanouir et réaliser son plein potentiel.
C’est maintenant qu’il faut agir.
Auteur·ice·s :
- Dre Deepa Singal, Directrice scientifique, Alliance canadienne de l’autisme
- Rebekah Kintzinger, militante autiste, Coprésidente du conseil d’administration de l’Alliance canadienne de l’autisme
- Dr Lonnie Zwaigenbaum, professeur de pédiatrie, Université de l’Alberta
Article initialement publié en anglais dans le Toronto Star et Health Insight.